06/11/20

Les mesures sociales en droit du travail parues depuis le début de la crise COVID-19

L'émergence sanitaire du COVID-19 exige une attention particulière de la part des employeurs et des responsables des ressources humaines des entreprises, face à des défis quotidiens tels que le contrôle du respect des obligations de garantie de la sécurité et de la santé des salariés, le suivi de l’intense activité réglementaire pour faire face à cette situation extraordinaire ainsi que la nécessaire remise en cause des conditions de travail accompagnée de nouvelles stratégies à adopter. Dans ce contexte, nous dressons un aperçu concis des principales nouveautés en matière de gestion du personnel.

Par Règlement grand-ducal du 18 mars 2020, le Gouvernement a déclaré l’état de crise. Certaines entreprises ont été contraintes de cesser leurs activités économiques totalement ou partiellement. D’autres entreprises, qui n’ont pas fait l’objet d’une telle interdiction, ont tout de même sévèrement subi l’impact négatif de la crise.

Dans ce scénario, l’objectif principal du Gouvernement a été de conjuguer la poursuite des activités professionnelles avec la garantie de maintenir des conditions de santé et de sécurité des lieux et modes de travail.

Le télétravail : le remède phare pour assurer la poursuite des activités économiques en cas de risque accru de contamination au virus

Dès le début de l’état de crise, le télétravail a été encouragé par le Gouvernement pour toutes les activités pouvant être exécutées à distance.

Le Règlement grand-ducal relatif au télétravail dans la fonction publique a été abrogé1 tandis que la Convention entre partenaires sociaux du 15 décembre 2015 reste en vigueur2.

Celle-ci définit le télétravail comme une « prestation de travail au moyen des technologies de l'information et de la communication […] effectuée dans un endroit autre que dans les locaux de l'employeur, plus particulièrement au domicile du salarié », et ceci « de manière régulière et habituelle ». Il en résulte que le télétravail occasionnel est hors champ de la Convention et n’est pas soumis à un cadre juridique spécifique. Le principal défi est, dès lors, de distinguer le télétravail habituel du télétravail occasionnel, sinon de gérer de manière appropriée des situations intermédiaires, sur base de divers critères factuels à mettre en balance, tels que la fixité et la régularité des jours de télétravail, sinon une simple offre de flexibilité donnée aux salariés ou des circonstances exceptionnelles justifiant le télétravail. Ainsi, la Convention ne trouve pas application au télétravail effectué en raison de la propagation du COVID-19.

Si le télétravail, régulier ou occasionnel, a, en principe, un caractère volontaire et ne saurait être imposé ni à l’employeur, ni au salarié, il a été admis que dans le contexte particulier de la propagation du COVID-19 et en vertu de l’obligation légale de l’employeur d’assurer la sécurité et la santé de ses salariés, ce dernier pouvait imposer le télétravail et devait accueillir favorablement une demande de télétravail de la part d’un salarié, sauf en cas de besoins impérieux du service.

En raison du grand nombre de frontaliers en télétravail et des seuils au-delà desquels ces frontaliers seraient soumis à la fiscalité et à la sécurité sociale de leur pays de résidence, des accords ont été trouvés avec la France, l’Allemagne et la Belgique afin que les journées de travail, prestées à domicile sur une certaine période en raison de la pandémie du COVID-19, peuvent être considérées comme ayant été prestées dans l'État contractant dans lequel le travailleur frontalier aurait exercé l'emploi sans les mesures de lutte contre la pandémie de COVID-19.

À l’heure actuelle, le télétravail est souhaité par plusieurs parties comme un nouveau mode de travail plus durable. Peut-il avoir un avenir du télétravail au Luxembourg ?  Il le peut, et il l’aura certainement, sachant que le télétravail peut être bénéfique pour l’employeur au niveau des coûts logistiques et pour les salariés par une plus grande flexibilité et productivité suite au gain de temps normalement consacré aux déplacements.

Cependant, avant d’opter pour un mode de télétravail qui se veut habituel et régulier après l’état de crise, il est fortement conseillé à l’employeur et au salarié de revoir les responsabilités de chacun aux termes de la Convention précitée du 15 décembre 2015, afin de choisir les modalités les plus adaptées aux souhaits des deux parties en vue d’une bonne relation de travail à distance.

Le chômage partiel : le remède phare pour maintenir l’emploi en cas de baisse d’activité

Le chômage partiel s’est révélé être une mesure précieuse pour le maintien de l’emploi, sachant qu’en contrepartie du bénéfice du chômage partiel, les entreprises s’engagent à ne pas licencier leur personnel pour des raisons économiques3.

Cependant, les procédures de demande de chômage partiel applicables au régime prévu par le Code du Travail4 se sont avérées fastidieuses et inadaptées face à (i) la fermeture complète ou partielle de certaines entreprises et (ii) la baisse d’activité imminente à laquelle les entreprises ont dû faire face depuis le mois de mars 2020.

Ainsi, le Gouvernement a simplifié le régime de chômage partiel, d’une part, en instaurant une procédure accélérée pour les entreprises qui ont dû arrêter totalement ou partiellement leurs activités suivant décision gouvernementale5, et d’autre part, en créant un régime de chômage partiel ad hoc « cas de force majeure/Coronavirus » pour les entreprises non visées par l’obligation de fermeture mais subissant également l’impact négatif de la crise sanitaire due au COVID-19.

Par conséquent, les entreprises visées directement par l’obligation de fermeture ont été admises d’office au chômage partiel, sans devoir requérir au préalable l’accord du Comité de conjoncture.

L’Agence pour le Développement de l’Emploi (ADEM) a également contribué à accélérer et à faciliter la procédure de demande de chômage partiel pour cas de force majeure, par la mise en place d’un système automatisé et une demande de chômage partiel à introduire en ligne.

Pour préparer la fin de l’état de crise, le Gouvernement a promulgué une loi portant dérogation temporaire à certaines dispositions en matière de droit du travail en relation avec la crise liée au COVID-19 telles que déjà prévues par les différents règlements grand-ducaux devenus caducs à la fin de l’état de crise6. Sur base de cette loi, la limite de 1.022 heures de chômage partiel par année calendaire et par salarié travaillant à temps plein ne s’applique pas à la période du 1er janvier 2020 au 31 juillet 20207.

Face à cette crise inédite, le Gouvernement ensemble avec les partenaires sociaux ont déjà décidé de continuer à soutenir les entreprises au moyen d’un régime adapté de chômage partiel jusqu’au 31 décembre 20208. Les modalités d’octroi du chômage partiel ont été à nouveau aménagées pour la période de relance économique et s’appliquent par secteurs ou branches économiques.

Ainsi, (i) les entreprises du secteur industriel continuent à bénéficier du chômage partiel conjoncturel, (ii) celles des secteurs vulnérables (HORECA, tourisme) peuvent accéder par voie simplifiée au chômage partiel de source structurelle sans limitation du nombre de salariés qui y auront droit et ces entreprises pourront recourir à des licenciements économiques dans la limite de 25% de leurs salariés jusqu’au 31 décembre 2020, (iii) toutes les autres entreprises peuvent recourir au chômage partiel structurel par voie simplifiée, à condition de ne pas procéder à des licenciements pour raisons économiques et (iv) celles relevant des secteurs vulnérables licenciant plus de 25% de leur effectif, ainsi que toutes les entreprises, peu importe le secteur dont elles relèvent, qui procèdent à des licenciements, devront recourir au chômage partiel traditionnel, dont l’octroi est soumis à l’établissement d’un plan de restructuration. Les règles applicables en matière de licenciement collectif restent donc également d’actualité et ne sauraient être omises.  

Il sera intéressant de voir si ce système de chômage partiel spécifique s’éteindra finalement au 31 décembre 2020 ou si le Gouvernement viendra une nouvelle fois en aide aux entreprises en prolongeant les mesures applicables ; une prolongation du dispositif du chômage partiel jusqu’en été 2021 ayant déjà été confirmée par nos voisins français9.

En tout état de cause, les nombreuses mesures sociales prises depuis le début de la crise font preuve de célérité et de flexibilité de l’État et des employeurs à remettre en cause les conditions de travail dans une paix sociale remarquable.

Cet article a été précédemment publié dans AGEFI Luxembourg en octobre 2020

1. Règlement grand-ducal du 18 mars 2020 portant abrogation du Règlement grand-ducal du 10 octobre 2012 sur l’exercice de télétravail dans le secteur public.

2. La Convention du 15 décembre 2015 relative au régime juridique du télétravail conclue entre l'Union des Entreprises Luxembourgeoises, d'une part, et les syndicats OGB-L et LCGB, d'autre part, a reconduit la Convention initial du 21 février 2006. Le Règlement grand-ducal du 15 mars 2016 a déclaré la Convention du 15 décembre 2015 d’obligation générale.

3. Article L. 511-3 du Code du Travail.

4. Articles L.511-1 ss. du Code du Travail.

5. Arrêté ministériel du 16 mars 2020 et Règlement grand-ducal du 18 mars 2020 portant introduction d’une série de mesures dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, Mémorial A165.

6. Loi du 20 juin 2020 portant 1° dérogation temporaire à certaines dispositions en matière de droit du travail en relation avec l’état de crise lié au Covid-19 ; 2° modification du Code du travail, Mémorial A538.

7. Dérogation à l’article L. 511-5 du Code du travail.

8. Communiqué du Ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire du 10 juin 2020.

9. Annonce de la ministre du Travail de France Elisabeth Borne sur BFM Business le 10 septembre 2020.

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