23/09/20

On ne badine pas avec le registre des bénéficiaires effectifs…

Le Tribunal d’arrondissement de Diekirch, siégeant en matière correctionnelle, a rendu le jeudi 16 juillet 2020 un jugement à l’encontre d’une société anonyme de droit luxembourgeois et a condamné cette dernière à une amende de 2.500 euros du chef d’infraction à l’article 20 (1) de la loi du 13 janvier 2019 instituant un Registre des bénéficiaires effectifs.
 

RAPPEL DES FAITS :

Le 13 novembre 2019, le gestionnaire du Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) a informé le Parquet de Diekirch de ce que la société anonyme de droit luxembourgeois en question, constituée le 18 mars 2008, (ci-après la Société) avait déposé son dernier bilan (au 31 mars 2010) en date du 23 novembre 2010 et de ce qu’une dénonciation du siège social de la Société avait été notifiée au RCS le 24 décembre 2013. Sur base de ces informations, le Parquet de Diekirch a mené une enquête préliminaire.

Par requête du 10 janvier 2020, une procédure de liquidation judiciaire de la Société a été lancée et dans le cadre de cette procédure, les mandataires de la Société ont déclaré vouloir régulariser la situation de cette dernière.

Le 11 mars 2020, le gestionnaire du Registre des bénéficiaires effectifs (RBE) a certifié quant à lui qu’aucune inscription au RBE n’avait été effectuée concernant la Société.

Les déclarations du gestionnaire du RCS et celles du gestionnaire du RBE ont permis de caractériser les deux infractions suivantes : la première étant l’infraction à l’article 1500-2 de la loi sur les sociétés commerciales pour défaut de publications des bilans 2011 à 2018 dans le délai légal et la seconde étant l’infraction à l’article 20 (1) de la loi du 13 janvier 2019 instituant un Registre des bénéficiaires effectifs.

Le 30 avril 2020, les mandataires de la Société ont démontré que les comptes sociaux de la Société avaient été déposés au RCS le 16 avril 2020 pour les exercices 2011 à 2019 inclus et que la Société disposait à nouveau d’un siège social depuis l’assemblée générale extraordinaire du 15 avril 2020.

Quant à l’inscription au RBE, celle-ci a été effectuée le 1er avril 2020.

Au regard des efforts de régularisation intervenus, le Parquet a décidé de ne pas poursuivre les administrateurs de la Société du chef d’infraction à l’article 1500-2 de la loi sur les sociétés commerciales, de renoncer à poursuivre l’action en liquidation judiciaire de la Société mais de conclure un acte d’accord en ce qui concerne l’infraction à l’article 20 (1) de la loi du 13 juillet 2019 instituant un Registre des bénéficiaires effectifs.

JUGEMENT SUR ACCORD RELATIF A L’INFRACTION A L’ARTICLE 20 (1) DE LA LOI DU 13 JUILLET 2019

L’article 27 de la loi du 13 juillet 2019 instituant un Registre des bénéficiaires effectifs (la Loi) prévoyait un délai de 6 mois, à partir de l’entrée en vigueur de celle-ci, pour permettre aux entités immatriculées de se conformer à leurs nouvelles obligations, à savoir jusqu’au dimanche 1er septembre 2019 inclus.

Les inscriptions au RBE requises par la Loi et portant sur les informations relatives aux bénéficiaires effectifs (nom, prénoms, jour de naissance, mois de naissance, année de naissance, lieu de naissance, pays de résidence, adresse privée précise ou adresse professionnelle précise, nature des intérêts effectifs détenus et étendue des intérêts effectifs détenus) n’ayant pas été effectuées à la date du 2 septembre 2019, le Tribunal d’arrondissement de Diekirch, siégeant en matière correctionnelle a retenu à l’encontre de la Société l’infraction à l’article 20 de la Loi.

L’infraction à l’article 20 de la Loi étant punissable d’une amende de 1.250 euros à 1.250.000 euros, le Tribunal, ayant pris en compte la durée de l’état infractionnel de plus de 6 mois et l’effort de régularisation intervenu le 1er avril 2020, a condamné la Société à une amende de 2.500 euros.

ANALYSE DE CETTE JURISPRUDENCE

De ce jugement nous estimons pouvoir tirer deux enseignements principaux :

Le premier étant que les juridictions répressives font preuve de plus de clémence en matière de dépôt très tardifs des comptes ou d’absence de siège social pour cause de dénonciation, qu’à l’égard de manquement à l’obligation de déclaration au Registre des bénéficiaire effectifs;

Le deuxième étant que le quantum de la peine serait, à lire le dispositif de ce jugement, à apprécier en fonction notamment de la durée de l’état infractionnel rectifié, à savoir la durée d’absence d’inscription au Registre des bénéficiaires effectifs. 

CONCLUSIONS

Si la loi du 13 juillet 2019 instituant un Registre des bénéficiaires effectifs prévoit des sanctions financières élevées en adéquation avec la gravité de l’infraction, ce jugement laisse présager d’une augmentation importante des peines d’amende en fonction de la durée de l’état infractionnel, c’est-à-dire la durée pendant laquelle l’absence d’inscription au Registre des bénéficiaires effectifs a été constatée.

Il n’y a donc plus de temps à perdre pour se mettre en conformité avec la loi en la matière, si tel n’est pas déjà le cas…

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