18/07/18

Licenciement avec préavis suivi d’un licenciement avec effet immédiat – absence de 5 jours – licenciement abusif (non)

L’absence injustifiée de cinq journées de travail d’affilée est un motif suffisamment grave pour entraîner une rupture immédiate des relations de travail. L’absence injustifiée du lieu de travail dénote en effet dans le chef du salarié une désinvolture inadmissible à l’égard de son employeur qui est en droit de procéder à la résiliation immédiate du contrat de travail sans que ce dernier doive au surplus mentionner voire établir une désorganisation de l’entreprise, cette absence étant nécessairement source d’une telle désorganisation (cf. C.S.J., 22 décembre 2005, n° 30100 du rôle).

A l’instar du tribunal du travail, il peut être rappelé qu’en présence de deux licenciements consécutifs comme en l’espèce, l’un avec préavis et l’autre avec effet immédiat, il est de principe d’analyser en premier la validité du licenciement avec effet immédiat, lequel a mis un terme définitif à la relation de travail.

Cependant, comme le motif du licenciement avec effet immédiat consiste en l’occurrence en l’absence injustifiée du salarié depuis le 11 juin 2015 jusqu’au 15 juin 2015, soit pendant cinq jours, ce que ce dernier conteste, affirmant pour sa part avoir fait l’objet d’un licenciement avec préavis assorti d’une dispense de travail, de sorte que son absence était justifiée par cette dispense de travail, il
paraît opportun de vérifier d’abord, en présence des contestations de l’employeur à cet égard, la réalité du premier licenciement avec préavis.

S’il résulte bien des déclarations faites par les témoins C et B en première instance, que le gérant de la société S1 sàrl, E, avait l’intention de licencier A en date du 1er mai 2015 suite au transfert d’activité réalisé entre la société S2 sàrl et la société S1 sàrl et qu’il a remis aux deux témoins précités la lettre de licenciement avec préavis, il laisse cependant d’être prouvé que A, qui était absent
en date du 1e mai 2015 pour raison de santé, a reçu la lettre de licenciement lui destinée.

En effet, si le témoin C, gérant de fait de la société S2 sàrl atteste avoir reçu en date du 1er mai 2015 une enveloppe de la part de E contenant trois lettres de licenciement, que ce dernier l’a chargé de remettre à A, sa lettre de congédiement, le témoin explique cependant qu’il a remis cette lettre le lendemain, sans préjudice du jour exact, non pas à son destinataire A, mais à sa soeur, ex-épouse de A, sans cependant affirmer que cette lettre litigieuse à bien été remise à son destinataire.

Le témoin B, gérant statutaire de la société S2 sàrl affirme au contraire que son fils, le témoin C, a remis la lettre de licenciement à A sans cependant savoir où et quand cette remise a eu lieu.

Sa déposition est partant déjà en contradiction avec celle de son fils qui a clairement affirmé ne pas avoir lui-même remis la lettre de congédiement à son beau-frère.

Finalement, le témoin F, également présent sur les lieux le 1er mai 2015, a déclaré lors de la contre-enquête, que la lettre de licenciement destinée à A avait disparu, sans cependant préciser ce qu’il en est advenu.

Il résulte partant de ces dépositions, que si l’intention de l’employeur de licencier A en date du 1er mai 2015 est avérée, force est de constater qu’il laisse néanmoins d’être établi que la lettre de licenciement lui est parvenue, par qui et à quel moment, de sorte qu’il ne peut être retenu que l’employeur a posé un acte irrévocable de licenciement à l’égard du salarié en date du 1er mai 2015.

En l’absence d’un licenciement avec préavis prononcé le 1er mai 2015, l’employeur n’était pas tenu de lui communiquer les motifs du licenciement. De même l’existence d’une dispense de travail reste en l’état de pure allégation.

Il est finalement redondant d’analyser le moyen tiré de la protection contre le licenciement de l’article L.121-6 du code du travail
Le jugement entrepris est partant à confirmer sur ces points.

Concernant le licenciement avec effet immédiat intervenu en date du 15 juin 2015, l’appelant fait tout d’abord grief au tribunal du travail d’avoir considéré qu’au moment de ce licenciement il n’était pas protégé en vertu de l’article L.121-6 du code du travail.

Il réitère en effet avoir informé son employeur de la prolongation de sa maladie le premier jour, soit le 11 juin 2015 et lui avoir remis le certificat médical dans les trois jours, soit le 12 juin 2015.

Il verse à l’appui de ses allégations plusieurs attestations testimoniales.

Or, la Cour constate dès l’ingrès qu’aucun certificat médical couvrant la période des 11 et 12 juin 2015 n’est versé en cause, de sorte que pour ces deux journées, le salarié était en absence injustifiée.

Ensuite, s’il est vrai que le témoin D indique avoir intercepté en date du 11 juin 2015 un appel téléphonique du salarié lui demandant de continuer à l’employeur l’information de sa prolongation de maladie, et que le témoin G, ex-épouse du salarié, a indiqué avoir mis le certificat de maladie de son époux dans une enveloppe et l’avoir accompagné auprès de l’employeur le 12 juin 2015 aux fins
de remise du certificat médical, le témoin ne précisant pas de quel certificat médical il s’agissait.

Or, en présence d’une période d’incapacité de travail continue sur une période de plusieurs semaines, cette précision a son importance.

En effet, le témoin G indique que son mari s’est rendu en date du 12 juin 2015 auprès de son médecin traitant, le docteur H de X et qu’elle l’a accompagné le même jour auprès de l’employeur pour lui remettre le certificat médical.

Cependant, cette déclaration est contredite par l’absence de certificat médical couvrant les journées des 11 et 12 juin 2015.

Il est, par ailleurs, improbable que le docteur H ait, en date du 12 juin 2015, remis lors de consultation au salarié malade, qui avait déjà bénéficié antérieurement de certificats de maladie, un certificat médical débutant seulement le lendemain, soit le 13 juin 2015.

En présence de cette contradiction, respectivement incohérence, la Cour estime que les auteurs des attestations testimoniales versées en cause ne sont ni crédibles ni fiables, de sorte que les attestations ne sont pas prises en comptes comme preuve.

Il laisse partant d’être établi que le salarié a rempli les deux obligations cumulatives prévues par l’article L.121-6 du code du travail, partant d’avoir été protégé contre le licenciement, et le congédiement avec effet immédiat prononcé le 15 juin 2015 n’est partant pas abusif de ce chef.

Le jugement a quo est dès lors à confirmer sur ce point, bien que pour des motifs différents.

Le salarié reproche ensuite au tribunal du travail d’avoir considéré que son absence pendant cinq journées constituait une faute grave, dès lors qu’il s’agissait d’un fait unique et isolé dans sa carrière professionnelle de dix-huit années et dans la mesure où l’employeur connaissait pertinemment la raison de son absence puisqu’il était déjà malade antérieurement.

Or, c’est à bon droit que le tribunal du travail a tout d’abord relevé que l’engagement du salarié de se présenter à son lieu de travail est une obligation de résultat et que toute absence du lieu de travail doit être approuvée par l’employeur, sauf à constituer une absence injustifiée.

C’est encore à bon escient que les juges de première instance ont décidé pour déclarer le licenciement de A régulier et justifié que « L’absence injustifiée de cinq journées de travail d’affilée est un motif suffisamment grave pour entraîner une rupture immédiate des relations de travail. L’absence injustifiée du lieu de travail dénote en effet dans le chef du salarié une désinvolture inadmissible à
l’égard de son employeur qui est en droit de procéder à la résiliation immédiate du contrat de travail sans que ce dernier doive au surplus mentionner voire établir une désorganisation de l’entreprise, cette absence étant nécessairement source d’une telle désorganisation (cf. C.S.J., 22 décembre 2005, n° 30100 du rôle). »

Le jugement est en conséquence à confirmer en ce qu’il a déclaré les demandes indemnitaires du salarié du chef de licenciement abusif non fondées. (C.S.J., 18/03/2018, 44585).

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