17/07/15

La nécessité de documenter par écrit les conditions de travail des salariés

Un arrêt récent de la Cour d’Appel du 21 mai 2015, n° 40618 du rôle, est venu conforter une jurisprudence bien établie en matière de preuve du contrat de travail, que ce soit quant à son existence ou quant à son contenu. La solution dégagée est classique mais elle n’en reste pas moins importante en ce qu’elle réitère le principe de faveur dont bénéficient les salariés en matière de preuve et fait office de piqûre de rappel aux employeurs qui souhaiteraient éviter d’avoir recours aux écrits.

Les règles régissant la preuve du contrat de travail

Dans l’affaire toisée par l’arrêt du 21 mai 2015, un salarié réclamait des arriérés de salaire à son employeur pour la période de travail précédant son licenciement avec préavis. L’employeur, pour refuser cette demande, argumentait que le salarié avait demandé à voir ses horaires de travail réduits et accepté la diminution de salaire y afférente.

Or, la réduction du temps de travail du salarié, et de manière subséquente de son salaire, n’avait pas été formalisée par écrit comme le requiert l’article L.121-4 (4) du Code du Travail. D’après cet article, la modification de certains éléments, dont notamment la durée de travail hebdomadaire et le salaire, nécessite une modification écrite du contrat de travail, sans préjudice des dispositions spéciales applicables en matière de modification défavorable d’une clause essentielle du contrat de travail.

Or, en l’espèce, aucun avenant au contrat de travail n’avait été signé. L’employeur avait alors tenté de prouver que la demande en réduction du temps de travail émanait du salarié en versant un certain nombre d’attestations testimoniales. Les juges ont donc dû se pencher sur la recevabilité de ces attestations.

L’article 58 du Nouveau Code de Procédure Civile impose à chaque partie de prouver les faits nécessaires afin de voir aboutir sa demande. Ainsi, en droit du travail, celui qui se prévaut d’un contrat de travail et de son contenu doit le prouver.

Reste encore à déterminer le mode de preuve qui sera admissible.

L’article L.121-4 (1) du Code du Travail dispose que “le contrat de travail, soit à durée indéterminée, soit à durée déterminée, doit être constaté par écrit pour chaque salarié individuellement au plus tard au moment de l’entrée en service du salarié.” Toutefois, il est précisé à l’article L.121-4 (5) qu’ ”à défaut d’écrit, le salarié peut établir l’existence et le contenu du contrat de travail par tous moyens de preuve quelle que soit la valeur du litige.”

En revanche, la règle de l’article L.121-4 (5) s’applique exclusivement au salarié. Aucune disposition légale ne prévoit cette possibilité à l’employeur. Ce dernier reste donc soumis aux formalités de l’article 1341 du Code Civil qui prévoit que les actes juridiques d’une valeur excédant EUR 2.500 ne peuvent se prouver que par preuve littérale, c’est-à-dire par un écrit.

Les conséquences du non-respect du formalisme légal

Dans l’arrêt susmentionné, les juges de la Cour d’appel ont rappelé de manière claire les règles régissant les modes de preuve du contrat de travail.

Ils ont ainsi jugé que « si le paragraphe (5) de l’article L.121-4 du code du travail permet au salarié, en cas d’absence d’un écrit, d’établir l’existence et le contenu du contrat de travail par tous les moyens de preuve, l’employeur, confronté aux contestations du salarié, reste soumis, dans l’administration de la preuve des accords modificatifs intervenus, aux règles strictes inscrites à l’article 1341 du code civil relatif à la preuve littérale des actes juridiques ».

Dès lors, les attestations testimoniales offertes par l’employeur ne sont pas recevables en ce qu’elles concernent un acte juridique dont la valeur est supérieure à EUR 2.500. L’employeur ne peut donc pas prouver que le salarié a accepté la modification de son contrat de travail, quand bien même des moyens de preuve non admissibles en attesteraient clairement.

Ainsi, ce mode de preuve différencié joue indubitablement en faveur des salariés.

Ces exigences de forme visent en effet à renforcer la protection des salariés contre une éventuelle méconnaissance de leurs droits et à garantir leur défense par voie juridictionnelle.
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Par conséquent, la loi exige et la précaution veut que l’employeur avisé respecte le formalisme de l’écrit afin de se prémunir contre tout risque de remise en question du contenu du contrat de travail par le salarié. La différenciation de traitement dans l’administration de la preuve doit donc être prise en compte par les employeurs dès lors qu’elle ne leur est pas favorable en cas de litige

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