14/04/15

Conclusion d’une transaction dans le cadre d’un licenciement avec effet immédiat : gare au remboursement des indemnités de ch…

Il est de pratique courante que suite à un licenciement avec effet immédiat, l'employeur et le salarié concluent une transaction.
 
Cependant, si la transaction a notamment pour but de simplifier et d'alléger les coûts de procédure, il convient d'être vigilant quant au contexte ainsi qu'au moment où elle est conclue. En effet, dans le cadre d'un licenciement avec effet immédiat, l'Etat, pris en sa qualité de gestionnaire du Fonds pour l'emploi (« l'Etat ») est en principe partie à la procédure afin de se faire rembourser les frais de chômage versés dans le cas où le salarié en aurait fait la demande en référé.
 
Ainsi, contrairement à ce qu'employeurs et salariés peuvent penser, une fois la transaction conclue, l'instance ne prend pas fin à l'égard de l'Etat.
Quelle partie est alors tenue de rembourser les indemnités de chômage ?
Les juridictions du travail se sont penchées sur cette problématique et plus récemment la Cour d'Appel à travers ses arrêts des 5 et 26 mars 2015 (n°41268 et 39928 du rôle).
 
La transaction : rappels

L'article 2044 du Code Civil prévoit la possibilité de conclure une transaction afin de mettre fin à un litige actuel ou à naître. La transaction a donc pour but de trouver une solution amiable qui satisfait les deux parties, étant rappelé qu'il doit y avoir des concessions réciproques.

Employeurs et salariés ont souvent recours à la transaction afin de (i) prévenir tout litige aussi bien en ce qui concerne le caractère prétendument abusif ou irrégulier de la résiliation qu'en ce qui concerne toute autre sorte de revendication, notamment salariale, du salarié, et afin (ii) d'épargner aux parties une procédure judiciaire fastidieuse et coûteuse à l'issue incertaine pour les deux parties.

Une fois la transaction conclue, les parties ne peuvent plus agir judiciairement sur les points ayant fait l'objet de la transaction.

Inopposabilité de la transaction à l'Etat

L'inopposabilité se définit comme l'inefficience d'un acte à l'égard d'un tiers permettant à ce dernier de méconnaître l'existence de l'acte et d'en ignorer les effets (Cour d'Appel du 14 juillet 2011, n°34246 du rôle)

Dans l'arrêt du 5 mars susmentionné, la question s'est posée de savoir si l'instance était éteinte du fait de la conclusion d'une transaction entre le salarié et l'employeur, quand bien même l'Etat n'y aurait pas été partie. Autrement dit, la transaction conclue était-elle opposable à l'Etat ?

Dans cet arrêt, l'employeur a licencié son salarié avec effet immédiat. Le salarié a introduit un recours devant le Tribunal du Travail afin de voir déclarer son licenciement abusif. Il a également mis l'Etat en intervention en vertu de l'article L.521-4 du Code du Travail.

Un tel licenciement ne donnant pas droit aux indemnités de chômage, le salarié a demandé par requête au président du Tribunal du Travail d'autoriser l'attribution par provision de l'indemnité de chômage complet en attendant la décision judiciaire définitive du litige concernant la régularité ou le bien-fondé de son licenciement (article L.521-4 (2) du Code du Travail), ce qu'il avait obtenu.

Entre-temps, le salarié et l'employeur, ayant trouvé un accord amiable, ont signé une transaction au sens de l'article 2044 du Code Civil.
Le salarié a alors demandé à ce qu'il soit mis fin à l'instance du fait de la signature de la transaction, le litige étant éteint de ce fait. Or, l'Etat s'y opposa au motif qu'il n'était pas partie à la transaction et que l'instance n'avait pas pris fin en ce qui concerne la demande en remboursement des indemnités de chômage payées.

En effet, la conclusion d'une transaction entre le salarié et l'employeur ne préjudicie en rien aux intérêts légitimes de l'Etat, encore faut-il pouvoir déterminer qui supportera la charge du remboursement des indemnités de chômage.

Remboursement des indemnités de chômage à charge du salarié

En principe, si une action est introduite par le salarié pour voir déclarer abusif son licenciement avec effet immédiat, l'Etat se fera rembourser les indemnités de chômage indûment versées par la partie défaillante, i.e. l'employeur en cas de licenciement abusif et le salarié en cas de licenciement régulier.

Or, dans le cas où une transaction est signée avant que les juridictions du travail ne puissent se prononcer sur le caractère abusif du licenciement, il est impossible de déterminer quelle partie doit supporter le remboursement des indemnités de chômage. En effet, les contestations quant au caractère régulier ou abusif du licenciement ayant valablement été closes par les parties, elles ne peuvent faire l'objet d'un examen que les parties ont expressément décidé de ne pas mener (Cour d'Appel, 14 juillet 2011, n°32426).

Cette impossibilité matérielle n'éteint pas pour autant le droit de l'Etat au remboursement des indemnités de chômage.

Ainsi, la Cour d'Appel, en reprenant l'argument de la Cour de Cassation, a rappelé que l'obligation du salarié qui entend ne pas être condamné au remboursement des indemnités de chômage est double. Il doit non seulement (i) intenter une action en indemnisation du chef de licenciement abusif contre l'employeur mais encore (ii) faire constater le caractère abusif du licenciement. Cette double obligation du salarié lui impose en conséquent de mener à terme son action en indemnisation, tout incident de procédure l'empêchant de ce faire entraînant pour lui l'obligation de rembourser les indemnités de chômage (Cour de Cassation, 3 avril 2014, n°3316 du registre).

Dans l'arrêt du 5 mars 2015 susmentionné, le salarié fut donc condamné à rembourser les indemnités de chômage à l'Etat pour n'avoir pas mené au terme son action du fait de la conclusion d'une transaction avec son employeur.

La problématique du remboursement des indemnités de chômage en cas d'irrecevabilité de la demande du salarié
 
Il a été jugé précédemment qu'en cas d'irrecevabilité de la demande, mais également en cas de désistement, de péremption ou de forclusion, les juridictions du travail déclareront le requérant forclos, respectivement irrecevable en sa demande. Néanmoins, elles le condamneront à rembourser les indemnités de chômage en raison du défaut d'avoir rapporté la preuve du caractère abusif du licenciement avec effet immédiat (Cour d'Appel, 30 mai 2013, n°38349). 
 
Toutefois, dans un arrêt récent du 26 mars 2015, n°39928, la Cour d'Appel a jugé qu'en cas d'irrecevabilité de la demande principale, la demande en intervention de l'Etat n'a pas de support sur lequel se greffer, et le recours de l'Etat en remboursement des indemnités de chômage est par conséquent irrecevable. L'arrêt d'irrecevabilité n'enjoindrait donc pas ipso facto au salarié de rembourser les indemnités de chômage à l'Etat comme énoncé dans les jurisprudences précédentes.
 
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En conclusion, il convient d'être conscient que si une transaction est conclue dans le cadre d'un licenciement avec effet immédiat, elle sera valable mais elle ne pourra pas être opposée à l'Etat. Ainsi, le remboursement des indemnités de chômage incombera automatiquement au salarié, et non à l'employeur. Ceci peut avoir pour effet de dissuader le salarié de transiger et l'encourager à mener à terme son action en justice ou au contraire l'inciter à négocier une indemnité transactionnelle plus élevée afin de prendre en compte le remboursement de telles indemnités.

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