05/01/17

Mise à pied en période de protection

L’employeur qui a, en l’espèce mis à pied son salarié en date du 16 mai 2013, prétend, en raisonnant par analogie avec l’article L.121-6 (4) alinéa 2 du code du travail relatif à l’entretien préalable, avoir été autorisé à licencier son salarié nonobstant son incapacité de travailler.

Or, l’article L.121-6 (3) du code du travail pose le principe général selon lequel l’employeur dûment informé le premier jour de l’absence de son salarié ou en possession du certificat de maladie le troisième jour de l’absence, n’est pas autorisé à prononcer le licenciement de son salarié, même avec effet immédiat.

Si ce principe souffre une exception qui est expressément prévue à l’article L.121-6 (4) alinéa 2 du code du travail, selon lequel « les dispositions protectrices du paragraphe (3) ne sont pas applicables si l’avertissement sinon la présentation du certificat d’incapacité de travail sont effectués après la réception de la lettre de résiliation du contrat ou, le cas échéant, après réception de la lettre de convocation à l’entretien préalable …… », force est de constater qu’une telle exception n’est pas prévue en cas de mise à pied conservatoire prévue par l’article L.124-10(4) du même code. Il s’ensuit que le délai de huit jours prévu pour licencier un salarié mis à pied est suspendu en cas de maladie, les dispositions instituant une protection contre le licenciement du salarié incapable de travailler par suite de maladie ou d’accident étant claires et non équivoques et ne prévoyant ni restriction, ni exception (cf. Cour 22 juin 1995, La Prévoyance Sociale c/ Gobien).

Le raisonnement par analogie mené par l’employeur entre l’hypothèse de la maladie intervenue après la convocation à l’entretien préalable et celle intervenue après la mise à pied n’a partant pas lieu d’être.

En l’espèce, l’employeur qui a mis à pied le salarié en date du 16 mai 2013 et qui reconnaît avoir été en possession du certificat médical de ce dernier le 18 mai 2013, soit dans le délai légal de trois jours, n’était partant pas autorisé à le licencier, même pour motif grave, le 19 mai 2013.

Il importe dès lors peu de savoir dans ces circonstances, si le salarié a ou non informé son employeur le premier jour de son incapacité de travailler, soit le 16 mai 2013.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le tribunal du travail a décidé :

« Il y a lieu de noter que la protection contre le licenciement pendant l’incapacité de travail dûment portée à connaissance de l’employeur vaut, à défaut d’exception prévue par la loi, également après une mise à pied. Le fait que la loi prévoit un délai de huit jours à partir de la mise à pied, endéans lequel le licenciement doit intervenir, n’autorise pas l’employeur averti de l’incapacité de travailler pour cause de maladie à résilier le contrat de travail.»

En effet, l’incapacité de travail pour cause de maladie survenue après la mise à pied et dans le délai de huit jours a pour seule conséquence la suspension du cours du délai de l’article L.124-10(5) du Code du travail. (cf. en ce sens, C.S.J., 9 juin 1994, rôle non 15056, Credoc, no 99416972, T.T. Lux., 13 décembre 2010, no 4477/2010 du rôle, T.T. Lux., 15 mars 2012, no 1202 du rôle ). Le licenciement avec effet immédiat notifié au requérant le 19 décembre 2013 est partant intervenu en violation des dispositions de l’article L.121-6 (3) du Code du travail et doit être déclaré abusif », de sorte qu’il a, à bon droit, rejeté l’offre de preuve pour ne pas être pertinente. (C.S.J., 02/06/2016, 42366).

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