13/03/20

L’exception d’ordre public

Cour d’Appel de Luxembourg Arrêt n° 133/19 – VIII – Exequatur du 19 décembre 2019, rôle n° CAL-2018-00013

qui rappelle les principes applicables au recours contre une ordonnance déclarant exécutoire une sentence arbitrale étrangère dans le Grand-Duché de Luxembourg. En l’espèce, l’appelante avait soulevé la contrariété à l’ordre public luxembourgeois comme motif de refus d’exequatur.


Quant au cadre juridique

La Cour rappelle que les motifs de refus d’exequatur énoncés par l’article 1251 du Nouveau Code de procédure civile sont indiqués avec la précision que le juge refuse l’exequatur « sous réserve des dispositions de conventions internationales (…) ». L'article 1251 « est à interpréter en ce sens qu'en cas d'application de la Convention de New York (…) les dispositions de l'article 1251 ne s'appliquent pas et que le juge ne tient compte que des dispositions de la Convention ». En effet, « dès que l'exequatur d'une sentence arbitrale étrangère est régi par la Convention de New York, les règles spécifiques de droit luxembourgeois ne jouent pas » (V. en ce sens : Cour 26 juillet 2005, numéro 27789 du rôle ; Cour 25 juin 2015, numéro 42067 du rôle ; Cour 27 avril 2017, numéro 40105 du rôle ; Cour 6 décembre 2018, numéro 44507 du rôle).


Quant à la contrariété à l’ordre public

La Cour rappelle que l’article V(2)(b) de la Convention de New York permet à la juridiction à laquelle la reconnaissance ou l’exécution d’une sentence est demandée de la refuser si celle-ci est contraire à l’ordre public de ce pays, et rappelle également que ladite Convention ne définit pas la notion d’ordre public.

Concernant la pratique des juridictions luxembourgeoises, « la jurisprudence luxembourgeoise propose depuis quelques années une définition positive de l'ordre public au regard de laquelle elle entend contrôler les sentences arbitrales ». Il y aurait violation de l'ordre public luxembourgeois « lorsque la sentence ou son exécution heurterait de manière inacceptable l'ordre juridique de l'État requis en ce qu’elle porterait atteinte à un principe fondamental » (Cour, 17 octobre 2013, rôle no 37973 ; Cour, 15 juillet 2015, rôle no 40127). Il pourrait s'agir d'une « violation manifeste d'une règle de droit considérée comme essentielle dans l'ordre juridique de Luxembourg » ou portant « atteinte à un droit fondamental de cet ordre juridique » (Cour, 15 juillet 2015, rôle no 40127).

La Cour précise que même si les juridictions nationales saisies d’un recours en annulation de la sentence ont déjà examiné la validité de la sentence par rapport à l’ordre public du pays desdites juridictions, la Cour d’appel de Luxembourg, saisie d’une demande d’exequatur, peut toujours apprécier une éventuelle contrariété de la sentence à l’ordre public international. En outre, la Cour retient que « le contrôle exercé par le juge de l'exequatur, exclusif de tout pouvoir de révision au fond de la décision arbitrale, est cependant limité et a pour seul objet de vérifier si la reconnaissance ou l'exécution de la Sentence viole de manière effective et concrète l'ordre public international ».

Dans le cas où une partie s’oppose à l’exécution d’une sentence arbitrale pour motif de fraude, la Cour retient que « pour qu’il y ait contrariété à l’ordre public, il faut que la Sentence ait été obtenue par une fraude manifeste et déterminante. La charge de la preuve incombe à la partie qui s’oppose à l’exequatur en invoquant la fraude (…) La partie qui s'oppose à l'exequatur en invoquant une contrariété de la sentence arbitrale à l'ordre public doit non seulement établir la fraude alléguée par des preuves claires et convaincantes et démontrer que la fraude en question ne pouvait être découverte au cours de l'arbitrage, mais encore que les manœuvres frauduleuses ont eu une influence sur la décision des arbitres ».

En l’espèce, la Cour rejette l’argument tiré de la contrariété à l’ordre public au motif que la fraude alléguée n’aurait concerné qu’une partie des dommages et intérêts en cause, et non la responsabilité de l’appelante, et que les informations prétendument fausses n’auraient pas été déterminantes pour la décision du Tribunal arbitral concernant le calcul des dommages et intérêts. Par ailleurs, la Cour estime que « l’appelante ne rapporte pas non plus la preuve que la Sentence ait été prise sur base de fausses déclarations et pièces, ni d’un stratagème frauduleux manifeste ». Par conséquent, « il n'est pas établi que la Sentence arbitrale et la sentence corrective ou leur exécution constituent une violation manifeste d'une règle de droit considérée comme essentielle dans l'ordre juridique du Luxembourg et portent atteinte à un droit fondamental de cet ordre juridique ».

L’arrêt n’est pas définitif et est susceptible de recours en cassation.

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