16/05/23

Protection des lanceurs d’alerte : ce que vous devez savoir de la nouvelle loi

Disclaimer : afin de prodiguer une information rapide et pratique aux employeurs pour qu’ils puissent se conformer à leurs obligations d’ici l’entrée en vigueur de la Loi (telle que définie ci-dessous), le présent contenu a été élaboré sur base du projet de loi n°7945 tel que commenté, débattu et soumis au vote à la chambre des députés en date du 16 mai 2023. L’attention du lecteur est attirée sur le fait que la version définitive de la Loi n’a pas été rendue officielle au moment de la diffusion de la présente publication et que la Loi telle que publiée pourrait contenir certaines subtilités supplémentaires à prendre en compte par la suite.

La Directive (UE) 2019/1937_ du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union aurait dû être transposée par le Grand-duché du Luxembourg le 17 décembre 2021.

Le projet de loi n°7945_ visant à transposer la Directive en droit luxembourgeois vient finalement d’être dispensé du deuxième vote constitutionnel et la loi devrait donc être publiée prochainement au Mémorial (la « Loi »). La Loi vient profondément modifier le cadre juridique luxembourgeois existant. A défaut d’indication contraire, elle devrait entrer en vigueur le 4ème jour de sa publication au Journal Officiel.   Voici les principaux éléments à retenir du point de vue du droit du travail luxembourgeois :

1. Objectif poursuivi

L’objectif est de créer un cadre législatif harmonisé afin de protéger les lanceurs d’alerte contre toutes les formes de représailles qui pourraient les dissuader ou les intimider, et ce, afin de garantir l’État de droit. La Loi vient donc in fine faire respecter, tout en l’encadrant, le droit à la liberté d’expression.

2. Secteurs concernés

Tous les acteurs économiques sont concernés par la Loi, aussi bien le secteur public que privé. En effet, les personnes suivantes peuvent notamment lancer l’alerte dans un contexte professionnel et donc être protégées : les travailleurs publics et privés, les candidats à l’embauche, les anciens travailleurs, les internes, les bénévoles, les indépendants, les actionnaires et dirigeants, les facilitateurs[1], les tiers et les entités juridiques ayant un lien avec le lanceur d’alerte.

3. Infractions visées

Si la Directive ne couvre que la révélation d’informations sur la violation d’un certain nombre de textes européens, la Loi a étendu le champ d’application à toute violation du droit national ou européen (actions ou omissions) et à tous les cas dans lesquels le lanceur d’alerte avait des motifs raisonnables de croire que les informations relevaient du champ d’application de la Loi. Toutefois, seules les informations obtenues dans un contexte professionnel sont couvertes. La Loi prévoit un certain nombre d’exclusions de son champ d’application. Sont notamment exclus les lanceurs d’alerte dont les relations sont couvertes par (i) le secret des relations entre un avocat ou un notaire et son client, (ii) par le secret des délibérations judiciaires et (iii) le secret médical.

4. Obligations à charge des employeurs

La Loi crée notamment une obligation d’instituer des canaux et procédures de si­gnalement internes à charge :

des entités juridiques de droit privé qui comptent 50 travailleurs ou plus. Les entités ayant entre 50 et 249 travailleurs ont la possibilité de partager les ressources concernant la réception et le suivi des signalements. Il conviendra également d’impliquer la délégation du personnel dans la mise en place de ces canaux de signalements ; et

des entités juridiques du secteur public, à l’exception des communes de moins de 10.000 habitants.L’obligation de mise en place de canaux de signalement internes sera applicable dès l’entrée en vigueur de la Loi. En revanche, pour les entreprises du secteur privé comptant entre 50 et 249 travailleurs, cette obligation est reportée au 17 décembre 2023. La procédure de signalement interne devra remplir un certain nombre de critères (sécurité et confidentialité, informations claires et facilement accessibles, etc.) et se faire endéans certains délais, qui peuvent être schématisés comme suit : 

5. Autres canaux de signalement

Outre la possibilité pour un lanceur d’alerte de signaler une violation de la loi en interne, il pourra également procéder à :

un signalement externe auprès d’une des 22 autorités compétentes en la matière (par exemple, l’Inspection du Travail et des Mines, la Commission de Surveillance du Secteur Financier ou l’Administration des Contributions Directes); ou

une divulgation publique.La Loi précise que le signalement interne est la procédure à privilégier en premier lieu mais il s’agit d’une recommandation et non d’une obligation.

6. Protection du lanceur d’alerte

La protection des lanceurs d’alerte est d’ordre public et elle s’applique à condition que le lanceur d’alerte ait fait un signalement au sens de la Loi, qu’il soit de bonne foi et ait eu des motifs raisonnables de croire que les informations signalées étaient véridiques et que leur révélation était nécessaire. Son identité doit rester confidentielle. Il est en outre protégé contre toutes menaces, tentatives ou formes de représailles (modification défavorable du contrat de travail, refus de promotion, licenciement, etc.) qui seront nulles de plein droit. La Loi met en place différents procédés afin de garantir une protection efficace du lanceur d’alerte, notamment un renversement de la charge de la preuve à son profit, une procédure accélérée devant les juridictions compétentes, différents types de recours avec des finalités différentes et une déresponsabilisation partielle du lanceur d’alerte.

7. Sanctions

De multiples sanctions peuvent être encourues en cas de non-respect de la Loi :

une amende de EUR 1.250 à 25.000 à l’encontre des personnes exerçant des mesures de représailles ou qui intentent des procédures abusives contre les lanceurs d’alerte ;

une amende de EUR 1.500 à 250.000 (qui peut être doublée en cas de récidive) à l’encontre des employeurs qui ne respectent pas, entre autres, leur obligation de mettre en place un canal de signalement interne, entravent un signalement, refusent de remédier à la violation constatée ; et

une peine d’emprisonnement de huit jours à trois mois de prison et une amende de EUR 1.500 à EUR 50.000 à l’encontre de l’auteur d’un faux signalement qui pourra voir sa responsabilité civile engagée.Enfin, il est intéressant de noter que la Chambre des députés a invité le Gouvernement luxembourgeois à réaliser, deux ans après l’entrée en vigueur de la Loi, une évaluation qualitative de sa mise en application.

[1] Personnes physiques qui aident un auteur de signalement au cours du processus de signalement dans un contexte professionnel et dont l’aide devrait être confidentielle. 

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