02/03/23

Détachement de travailleurs : nouvelles règles

Compte tenu du caractère extrêmement mobile du secteur du transport, les conducteurs ne sont généralement pas détachés pour de longues périodes dans un autre État membre dans le cadre de contrats de service. La directive (UE) 2020/1057 du 15 juillet 2020[1] a été adoptée afin de préciser dans quelles circonstances ces conducteurs ne sont pas soumis aux règles relatives au détachement de longue durée. Cette directive a été transposée en droit luxembourgeois par la loi du 23 décembre 2022[2] (la « Loi »).  

Le législateur en a également profité pour rectifier certaines incohérences de transposition de la directive 2014/67[3] relative au détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services. Ce faisant, les règles administratives en matière de détachement de travailleurs pour les entreprises ont été quelque peu allégées et certains points ont été précisés.

Vous trouverez-ci-dessous un résumé des principales modifications apportées par la Loi aux dispositions légales concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services :

1. Introduction de règles spécifiques pour le détachement relatif aux activités mobiles de transport routier

La Loi prévoit des obligations spécifiques pour les entreprises de transport par route établies hors du Grand-Duché de Luxembourg, notamment :

  • obligation de soumettre, au plus tard dès le commencement du détachement sur le territoire luxembourgeois, une déclaration de détachement via le système d’information du marché intérieur, désigné « IMI ». Celui-ci comporte un certain nombre d’informations, telles que : identité de l’entreprise, coordonnées d’un gestionnaire de transport ou d’une autre personne de contact dans l’État membre d’établissement, identité, adresse du lieu de résidence et numéro du permis de conduire du salarié mobile, date de début du contrat de travail et droit applicable à ce contrat, dates prévues pour le début et la fin du détachement, la plaque d’immatriculation des véhicules à moteur, etc.,
  • tenir à jour les déclarations de détachement,
  • veiller à ce que le salarié mobile ait à sa disposition, sur support papier ou en format électronique, certains documents, tels que : copie de la déclaration de détachement soumise via l’IMI, preuve des opérations de transport ayant lieu sur le territoire national, etc.,
  • en cas de demande de l’Inspection du Travail et des Mines « ITM » : obligation de transmettre après la période de détachement et au plus tard huit semaines après la demande, la copie de certains documents, tels que : preuve des opérations de transport ayant lieu sur le territoire national, enregistrements du tachygraphe, documents ayant trait à la rémunération du salarié mobile pour la période de détachement, etc.

La Loi précise également quelles situations ne constituent pas un détachement au sens de la Loi.

2. Modifications et allègement des règles applicables aux autres types de détachement

2.1 Informations et documents à communiquer à l’ITM

Le nombre d’information à transmettre dans le cadre de la déclaration de détachement et de documents à communiquer à l’ITM ont été réduit. Un certain nombre de documents doivent seulement encore être conservés et présentés sur demande de l’ITM.

Tout changement du lieu de conservation des documents se rapportant aux prestations des travailleurs détachés devra maintenant être signalé à l’ITM.


2.2 Responsabilité solidaire limitée aux chaines de sous-traitance

Auparavant il existait une responsabilité solidaire entre l’entreprise détachante, l’entreprise utilisatrice (i.e. le maitre d’ouvrage ou le donneur d’ordre) et les entreprises sous-traitantes, le cas échéant. Ce n’est plus le cas avec la Loi. Cette responsabilité solidaire est maintenant limitée aux chaines de sous-traitance. En effet, l’entreprise utilisatrice se voyait soumise à une obligation supplémentaire si elle passait un contrat avec un prestataire de services transfrontalier. Cette obligation pouvait dissuader de conclure un contrat avec un tel prestataire.

2.3 Protection renforcée du salarié détaché en cas d’actions judiciaires

Afin de garantir l’égalité de traitement entre les salariés détachés et les salariés non détachés, les premiers bénéficient maintenant également d’une protection juridique lorsqu’ils ont engagé des procédures judiciaires afin de faire respecter leurs droits en tant que salariés détachés. Ils ne peuvent pas faire l’objet de représailles et disposent d’une procédure accélérée devant les juridictions du travail pour faire valoir leurs droits.


2.4 Précisions quant aux obligations de l’employeur en matière d’hébergement

Des obligations additionnelles pèsent sur l’employeur lorsque le logement du salarié détaché ne satisfait pas au prescrit légal. Notamment, dans un tel cas, il doit le reloger sans délai pour une durée au moins également à celle convenue initialement. Les informations quant au relogement (prénom, nom et numéro d’identification de l’occupant, adresse du relogement) doivent être parvenues à l’ITM dans les 24 heures.

2.5 Clarification du montant des amendes et de la durée des peines de prison

En cas de manquement à ses obligations d’injonction vis-à-vis d’une entreprise sous-traitante défaillante, l’entreprise détachante et son sous-traitant seront responsables solidairement et seront en outre passibles d’une amende pouvant aller de EUR 1.000 à EUR 5.000 par salarié. Cette amende pourra être doublée en cas de récidive. Le montant total de l’amende est toutefois limité à EUR 50.000.

La Loi précise également que le non-respect des dispositions concernant les conditions d’hébergement est passible d'une amende pouvant aller de EUR 251 à EUR 125.000 et d'une peine d’emprisonnement de huit jours à cinq ans ou d'une de ces peines seulement.

La Loi a été publiée au Journal Officiel le 23 décembre 2022 et est entrée en vigueur le 27 décembre 2022.

Auteurs : Raphaëlle Carpentier et Noémie Haller

Contacts : Philippe Schmit et Noémie Haller

[1] Directive (UE) 2020/1057 du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2020 établissant des règles spécifiques en ce qui concerne la directive 96/71/CE et la directive 2014/67/UE pour le détachement de conducteurs dans le secteur du transport routier et modifiant la directive 2006/22/CE quant aux exigences en matière de contrôle et le règlement (UE) no 1024/2012.

[2] Loi du 23 décembre 2022 portant modification : 1° du Code du travail en vue de la transposition de la directive (UE) 2020/1057 du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2020 établissant des règles spécifiques en ce qui concerne la directive 96/71/CE et la directive 2014/67/UE pour le détachement de conducteurs dans le secteur du transport routier et modifiant la directive 2006/22/CE quant aux exigences en matière de contrôle et le règlement (UE) n° 1024/2012 ; 2° de certaines autres dispositions du Code du travail.

[3] Directive 2014/67/UE du Parlement Européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à l'exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services et modifiant le règlement (UE) n ° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l'intermédiaire du système d'information du marché intérieur (« règlement IMI »)

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