05/04/17

Principe d’égalité de traitement

L’article L.253-2.(1) du code du travail dispose que lorsqu’une personne s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement et établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il appartient à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement.

Il appartient d’abord au salarié qui s’estime discriminé d’établir les faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, auquel cas il appartient à l’employeur de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement. Les éléments apportés par le salarié doivent en outre laisser supposer l’existence d’un lien de causalité entre la décision de l’employeur et un quelconque critère discriminatoire, toute présomption de discrimination devant être écartée.

L’office de juge consiste à déterminer si les situations sont comparables, puis le cas échéant à vérifier s’il existe une véritable différence de traitement et si elle est susceptible de reposer sur un motif prohibé.
Le salarié est partant soumis à l’obligation non seulement d’établir des éléments de fait laissant présumer la rupture de l’égalité de traitement, mais encore qu’elle repose sur un des motifs prévus aux articles L-241-10 et L.251-1.(1) du code du travail (cf. Cour 15.12.2011, No 35832 du rôle).

Le salarié ne peut exiger de percevoir le même salaire que ses collègues qu’à condition qu’il effectue un travail égal, ou du moins un travail à valeur égale (cf. J.-L. Putz, Discrimination au travail, No 537).

L’élément de comparaison central est le travail effectivement presté par le salarié (op. cit. No 539).

C a attesté le 27 juillet 2011 que la tâche qui a été assignée à D, engagé en 2000 en qualité de « Responsable du siège », consistait à finaliser la « joint venture » formée avec le Groupe F (groupe allemand du secteur de la télévision) et ensuite à « former » le groupe de 9 à 10 personnes (italiennes et allemandes) qui devait gérer la nouvelle société qui contrôlerait cette joint venture italo-allemande ; qu’il s’agissait d’un poste impliquant d’importantes responsabilités concernant un projet international qui faisait la une des journaux à l’époque ; qu’à la suite de la « dissolution » de la joint venture avec la Groupe F et de la démission de D, lui-même, a été envoyé à Luxembourg par la « maison mère » B SPA pour y gérer le siège de la société B INVESTMENT s.à r.l. ; qu’il a été embauché le 1er octobre 2002 en qualité de « Responsable du siège » ; que de 2002 à 2005, l’organigramme de la société B INVESTMENT s.à r.l. qu’il dirigeait était composé de :

  •  1 responsable de siège (C)
  •  1 responsable financier (G)
  •  1 assistante-comptable (H) ;

que de 2002 jusqu’en 2004, la société B INVESTMENT s.à r.l. avait en gestion une moyenne d’environ 200.000.000 € de liquidités, gestion qui impliquait l’intervention directe de la société sur les marchés lors des phases d’achat et de vente ; qu’en outre, toujours de 2002 à 2005 la société B INVESTMENT s.à r.l. a géré le portefeuille de participations de I (première télévision commerciale espagnole), dont la valeur s’élevait à l’époque à environ 400.000.000 € et a introduit en Bourse cette société en 2004 ; qu’en octobre 2004, la société B INVESTMENT s.à.r.l. ayant décidé d’attribuer la totalité de ses liquidités à la maison-mère en Italie, la gestion de ces liquidités a été retirée à la société luxembourgeoise ; que compte tenu de la réduction des activités de celle-ci, le responsable financier G a donné sa démission en date du 1er janvier 2005 et lui-même a donné sa démission en date du 29 décembre 2005 ; qu’avant de quitter l’entreprise, du fait de l’activité réduite de la société B INVESTMENT s.à r.l., il a proposé aux administrateurs de laisser à A, engagée à l’origine pour remplacer l’assistante-comptable H, la rédaction des bilans intermédiaires et annuels de la société et la gestion des dépôts à terme contenant la petite partie de liquidités restantes ; que sa proposition résultait de la considération que, puisqu’il n’y avait plus de gestion des activités relatives aux marchés des liquidités et que les activités relatives aux sociétés affiliées étaient devenues limitées, un simple employé administratif, plus éventuellement un adjoint/assistant, pourrait facilement gérer les activités opérationnelles.
 
Il se dégage des déclarations d’C que A n’a pas effectué de travail de valeur égale aux travaux effectués par D et C. En effet, tandis que D était impliqué dans un travail de stratégie d’entreprise aux fortes implications financières et C dans la gestion active de très importantes liquidités et participations, A a effectué des travaux de gestion courante de la société, notamment des travaux comptables et de gestion de dépôts à terme de liquidités résiduaires.

Le tribunal du travail a partant à juste titre pu dire que A ne s’est pas trouvée dans une situation comparable à celles de D et d’C.
Les différents arguments avancés par A pour établir l’existence d’une situation comparable sont à rejeter :

  • Dans l’examen de la question de la situation comparable il importe peu de savoir à quel titre le salarié a été engagé. Il importe surtout de savoir quelle est la nature des travaux effectués.
  • La gestion en 2006 de liquidités d’environ 970.000.000 € repose sur les propres affirmations de A contenues dans son couriel envoyé le 13 juin 2006 dans le contexte d’un projet d’optimisation fiscale par la création d’une succursale belge de la société B INVESTMENT s.à r.l. (cf. pièce 20 de la farde de 42 pièces de Me MBONYUMUTWA).

Le montant de 970.000.000 € est contredit par l’attestation d’C. De toute façon la charge de travail entraînée par la gestion de ces liquidités aurait dû être peu importante, ces liquidités ayant été constituées en prêt à la société-mère en Italie selon les propres dires de A. Puisqu’une diminution de la charge de travail n’entraîne pas normalement une diminution de salaires, l’examen de la situation comparable par référence aux périodes d’autres salariés, examen qui prend en considération la valeur du travail, doit faire abstraction d’une modification de la charge de travail en cours de la période.
A ne saurait donc tirer avantage de la circonstance que des liquidités ont déjà été retirées à la société B INVESTMENT s.à r.l. à un moment où C était encore aux services de celle-ci.

  •  A a représenté la société B INVESTMENT s.à r.l. lors de la constitution et lors d’une augmentation de capital de la société B INVESTMENT BELGIUM S.P.R.L., société à laquelle s’est référé le couriel du 13 juin 2006.

En ce qui concerne la société E s.à r.l., société détenue par la société B INVESTMENT s.à.r.l., A est intervenue en 2007 lors
d’une cession de parts sociales. Les activités exercées par A en rapport avec les sociétés B INVESTMENT BELGIUM
S.P.R.L. et E s.à r.l., exercées pour le compte de la société B INVESTMENT s.à r.l., ont été d’une envergure limitée et n’ont donc pas eu d’incidence sur la valeur de travail de A.

Comme A est restée en défaut d’établir qu’elle s’est trouvée dans une situation comparable à celles de D et d’C et qu’elle n’a pas rendu plausible que son employeur ait été inspiré par des motifs interdits par les articles L.241-10 et L.251-1.(1) du code du travail, il n’y a pas, et sans qu’il soit encore nécessaire d’examiner s’il y a eu traitement différent au niveau des salaires, de présomption qu’il y ait eu discrimination prohibée faisant incomber à l’employeur la charge de la preuve qu’il n’y a pas eu discrimination prohibée.

La demande de A en dommages-intérêts du chef de discrimination prohibée a par conséquent, à bon droit, été déclarée non fondée.

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