12/12/18

Brexit : le Royaume-Uni peut enclencher seul la marche arrière

Ce que la Cour a décidé

Par son arrêt de ce jour (07.12), la Cour de justice de l’Union européenne, siégeant en assemblée plénière, a suivi son avocat général en reconnaissant au Royaume-Uni le droit de revenir sur son intention de se retirer de l’Union européenne. Elle est même plus libérale que lui dans les conditions d’exercice et limites de ce droit de révocation.

En substance, selon l’arrêt, un Etat membre peut révoquer unilatéralement la notification de son intention de quitter l’Union européenne tant :

– Qu’un accord de retrait conclu entre lui et l’Union n’est pas entré en vigueur ;

– Ou, à défaut d’un tel accord, tant que le délai de deux ans à partir de la notification de se retirer de l’Union européenne n’a pas expiré ;

– Ou, à défaut d’un tel accord, tant que ce délai de deux ans, tel que prorogé par un accord entre l’Etat membre concerné et le Conseil européen, statuant à l’unanimité, n’a pas expiré.

La révocation doit être décidée à l’issue d’un processus démocratique, en conformité avec des règles constitutionnelles de l’Etat membre concerné, ainsi que le prévoit l’article 50, paragraphe 1er, du Traité sur l’Union européenne. Cette décision doit être communiquée par écrit au Conseil européen.

Une telle révocation vise à confirmer l’appartenance de l’Etat membre concerné à l’Union européenne dans des termes inchangés quant à son statut d’Etat membre. Cette décision doit être univoque et inconditionnelle.

Par ces dernières précisions, la Cour a voulu éviter l’usage abusif de la procédure de retrait comme levier de négociation dans le cadre de certains dossiers européens (le chantage à la sortie).

Motifs avancés

Certaines des justifications avancées par la Cour méritent de retenir l’attention.

Outre la lettre de l’article 50, paragraphe 1er, TUE, rappelée ci-dessus, la Cour a avancé :

– Le droit souverain d’un État membre de se retirer de l’Union, confirmé par le rejet des projets de disposition visant à prévoir une procédure d’exclusion d’un Etat membre ;

– L’objectif des traités de créer une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe et d’éliminer les barrières qui divisent l’Europe ;

– L’impact considérable d’un éventuel retrait d’un Etat membre sur les droits de tous les citoyens de l’Union, notamment leur droit à la libre circulation ;

– L’importance des valeurs de liberté et de démocratie, partagées entre tous les Etats membres.

Conséquences concrètes

L’arrêt ouvre la porte à une décision du Royaume-Uni d’abandonner sa demande de retrait de l’Union européenne. 

Concrètement parlant, celle-ci devrait intervenir, après ratification par le parlement britannique (il reste à déterminer les étapes qui pourraient mener à une telle ratification par le parlement: nouvelles élections et/ou second referendum ?, …), soit avant le 29 mars 2019 à minuit, soit avant le terme d’une période de réflexion supplémentaire accordée par le Conseil européen, statuant à l’unanimité, au Royaume-Uni. Cette dernière hypothèse, ouverte par l’arrêt, donnerait le temps de tenir au Royaume-Uni un débat démocratique, quelle que soit la forme qu’il prenne, dans des conditions sereines.

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