30/11/18

Qualité de cadre supérieur, critères (oui) – paiement des heures supplémentaires (non)

Aux termes des articles L. 162-8(3) et L.211-27(5) du code du travail, « Sont considérés comme cadres supérieurs « les salariés disposant d’un salaire nettement plus élevé que celui des salariés couverts par la convention collective ou barémisés par un autre biais, tenant compte du temps nécessaire à l’accomplissement des fonctions, si ce salaire est la contrepartie de l’exercice d’un véritable pouvoir de direction effectif ou dont la nature des tâches comporte une autorité bien définie, une large indépendance dans l’organisation du travail et une large liberté des horaires de travail et notamment l’absence de contraintes dans les horaires ».

A conteste avoir été cadre supérieur et avoir eu un pouvoir de direction effectif.

A l’appui de ses demandes en paiement d’heures supplémentaires et de majorations de salaire non payées, A fait valoir que durant toute la durée de son engagement auprès de la société S1, il a presté des heures supplémentaires qui n’ont pas été rémunérées.
Il fait grief aux premiers juges de s’être fondés sur les stipulations du contrat de travail et de n’avoir pas analysé in concreto ses arguments et pièces prouvant à suffisance qu’il n’avait pas la qualité de cadre supérieur.

Il soutient que son salaire n’était pas nettement supérieur à celui d’autres salariés en tant que contrepartie de l’exercice d’un véritable pouvoir de direction et d’une large indépendance dans l’organisation de son travail ; que s’il avait eu un véritable pouvoir de direction, il aurait pu refuser d’aller en Russie et aurait pu y envoyer un des salariés de son département et il n’aurait pas non plus reçu un avertissement en mars 2015 pour avoir quitté son poste de travail à 15.11 heures.

L’appelant rappelle que depuis novembre 2013, il n’était plus invité à participer aux réunions du conseil d’administration élargi ; que depuis mai 2014, il n’était plus en charge de la planification du département « SPS », qu’il a dû s’installer dans un autre bureau, qu’il ne faisait plus partie du conseil d’administration élargi et que dans les annuaires internes, il n’était plus listé comme « manager », mais
uniquement comme « supervisor ». Par email du 25 mai 2014, I « chief executive officer », lui aurait rappelé que E et J allaient assurer la coordination du département « SPS ».

Il se réfère à la Convention collective conclue entre S2 Systems S.A. et LCGB pour dire qu’il a droit à la rémunération des heures supplémentaires à hauteur de 150 % du salaire horaire et à des majorations de 30 % du salaire par heure de travail prestée pendant la nuit, de 70% pour chaque heure de travail prestée le dimanche et de 100 % pour les heures de travail prestées les jours fériés légaux.

n ordre subsidiaire, il réclame le paiement des heures supplémentaires, sur base de l’article L.211-27(3) du code du travail.
La société S1, au contraire, se prévaut du titre liminaire du contrat de travail et de l’article 15 du contrat de travail qui excluent l’application de la convention collective aux relations entre parties.

Aux termes des articles L. 162-8(3) et L.211-27(5) du code du travail, « Sont considérés comme cadres supérieurs « les salariés disposant d’un salaire nettement plus élevé que celui des salariés couverts par la convention collective ou barémisés par un autre biais, tenant compte du temps nécessaire à l’accomplissement des fonctions, si ce salaire est la contrepartie de l’exercice d’un véritable pouvoir de direction effectif ou dont la nature des tâches comporte une autorité bien définie, une large indépendance dans l’organisation du travail et une large liberté des horaires de travail et notamment l’absence de contraintes dans les horaires ».

En vertu de ces dispositions légales, sont nulles toutes les clauses d’une convention collective et d’un contrat de travail individuel prétendant soustraire aux effets de la convention applicable des salariés qui ne remplissent pas l’ensemble de ces conditions.

En l’espèce, il résulte du titre liminaire du contrat de travail signé entre parties le 29 juillet 2011, que « wurde folgender individueller unbefristeter Ausserkollektivvertraglicher Anstellungsvertrag einvernehmlich verhandelt und abgeschlossen ».

L’article 15 infine du contrat de travail stipule que « Dieser Vertrag fàllt nicht unter die kollektivvertraglichen Bestimmungen ».

En ce qui concerne plus particulièrement les heures supplémentaires, l’article 7 du contrat de travail prévoit que : « Beide Parteien sind sich einig, dass der Angestellte als aussertariflicher Angestellter Uberstunden und Mehrarbeit nach den Erfordernissen des Betriebes leistet. Wenn ausserhalb der Arbeitszeit Betriebstörungen oder Unfälle auftreten, so kann der Angestelle an den Störort gerufen werden. Die geleisteten Arbeitsstunden werden anhand der wöchentlichen Tätigskeitsberichte vollständig erfasst und kostentechnisch auf Kostenstelle resp.

Projekte verbucht. Mehrstunden werden am Monatsende gekappt und nicht vergütet. (..).

Les éléments de la cause ne contredisent pas la qualité de cadre supérieur de A. En effet, il résulte des renseignements fournis et des pièces versées en cause que A touchait un salaire mensuel de 4.600 euros (indice 719,84), qu’il disposait d’un véhicule de fonction qu’il pouvait utiliser à titre privé avec une carte d’essence et qu’il pouvait bénéficier d’une prime annuelle en fonction des résultats de la société.

Sa rémunération mensuelle s’élevait au jour de son licenciement à 4.953,66 euros brut, soit 13,60 % plus élevé que celle prévue par la Convention collective si elle avait été applicable.

En ce qui concerne l’existence d’un pouvoir de direction effectif, il appert des différents organigrammes versés que A occupait un poste de « manager PLC » au même niveau que E et qu’il ne rendait compte à aucun supérieur hiérarchique de son activité. Il n’est pas établi, ni allégué que A ait dû faire un rapport au CEO (Chief Executive Officer), au CTO (Chief Technology Officer), au COQ (Chief
Operating Officer) ou au CFO (Chief Financing Officer) qui formaient l’équipe de direction de la société. Le seul fait qu’à partir d’un certain moment A n’était plus invité à participer aux réunions du conseil d’administration élargi, respectivement n’en faisait plus partie, ne saurait dénier son pouvoir de direction au sein du département.

Quant au message envoyé le 25 mai 2014 par I (CEO) à A suivant lequel E et J allaient coordonner la gestion du département « SPS », les explications fournies par la société S1 qu’il s’agissait en l’occurrence d’une réorganisation ponctuelle du service « SPS », nécessaire en raison du fait que A se trouvait à ce moment sur un chantier à l’étranger, ne sont pas démenties par d’autres éléments de la cause.

C’est finalement à tort que A fait valoir que s’il avait eu une large indépendance dans l’organisation de son travail et une absence de contraintes dans les horaires de travail, il aurait pu refuser d’aller en Russie et envoyer un autre membre de son département et il n’aurait pas eu un avertissement pour avoir quitté son poste de travail trop tôt.

Ce faisant, A omet de tenir compte du fait que les grandes libertés dont il bénéficiait dans l’organisation de son service ne pouvaient cependant s’exercer que dans les limites du lien de subordination qui le liait à son employeur. Par ailleurs, et si A en tant que cadre supérieur n’était pas soumis à un horaire strict, il lui appartenait cependant de prévenir son employeur en cas de départ de son poste de travail.

En ordre subsidiaire, l’appelant formule une offre de preuve par témoins tendant à établir les faits suivants :

« que A ne disposait pas d’un pouvoir de direction effectif, d’une large indépendance dans l’organisation du travail et d’une absence de contraintes dans les horaires, que sa présence n’était pas indispensable pour assurer le fonctionnement et la surveillance de l’entreprise »,

Cette offre de preuve formulée de façon générale et vague est cependant à rejeter pour défaut de précision et de pertinence.

Il suit des considérations qui précèdent que la demande de A en paiement d’heures supplémentaires n’est pas fondée ni sur sa base principale, ni sur sa base subsidiaire.

Compte tenu du fait que A occupait un poste de cadre supérieur lui conférant un pouvoir de direction effectif, c’est également à juste titre que le tribunal du travail a déclaré inapplicables les règles sur la durée du travail.

Il y a partant lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré non fondées les demandes de A en paiement d’heures supplémentaires et de majorations de salaires pour heures de travail prestées, la nuit, le dimanche et les jours fériés. (C.S.J., 7/06/2018, 45229).

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