23/04/14

Emploi des langues dans les entreprises : qu’en est-il à présent en cas d’occupation transfrontalière ?

Pour rappel, la Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé que le décret flamand relatif à l’emploi des langues, en ce qu’il impose, sous peine de nullité absolue, de rédiger un contrat de travail en Néerlandais en cas d’occupation transfrontalière, était contraire au principe de la libre circulation des travailleurs. Comment les juridictions du travail appliquent-elles cette jurisprudence ? Un exemple avec un récent arrêt de la Cour du travail de Bruxelles !

A l’occasion de notre newsletter du mois d’avril 2013 (http://newsletter.cms-db.info/newsletter.asp?nid=6dd04912b9cdebb7c4e5f58a067358ed&did=10&e=10540), nous vous indiquions que la Cour de Justice de l’Union Européenne avait jugé, dans un arrêt du 16 avril 2013, que le décret de la Communauté flamande du 19 juillet 1973 réglant l'emploi des langues dans les entreprises, constituait une restriction à la libre circulation des travailleurs lorsque la relation de travail avait une dimension transfrontalière.

Comment, en pratique, nos juridictions du travail appliquent-elles les enseignements de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne ? Une illustration avec un récent arrêt de la Cour du travail de Bruxelles en la matière !

Le 17 décembre 2013, la Cour du Travail de Bruxelles a rendu un arrêt intéressant relatif au licenciement d’un travailleur pour motif grave. En bref, un travailleur était accusé d’avoir développé une activité accessoire, concurrente à celle de son employeur via une société qu’il avait mise en place et dont il était nommé gérant et ce, sans avoir reçu l’autorisation préalable de l’employeur.

C’est après une enquête interne mettant en exergue un échange d’e-mails importants entre l’adresse e-mail professionnelle du travailleur et la nouvelle société, que l’employeur a convoqué ce dernier pour une audition. Après avoir entendu le travailleur, l’employeur a procédé à son licenciement pour motif grave.

Petit bémol : ladite audition a été menée en anglais. Or, l’employeur avait son siège d’exploitation en Région flamande. En vertu du décret flamand précité, l’usage du néerlandais dans les relations sociales en Flandre est toutefois obligatoire. Lors de son analyse, la Cour a donc été amenée à s’interroger sur la validité d’une audition réalisée en anglais.

A ce sujet, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé que les actes contraires aux dispositions du décret sur l’emploi des langues, sont sanctionnés de nullité absolue et doivent donc être soulevés d’office par le juge. Le juge doit, dans ce cas, déclarer ces actes ou documents d’office nuls. La Cour a en outre énoncé que la notion de relations de travail ne se limitait pas aux échanges écrits mais comprenait également les contacts oraux entre le travailleur et l’employeur.

Toutefois, la Cour constate que le travailleur en question travaillait dans un contexte transfrontalier, vu qu’il était occupé en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas. En tant que manager principal en Belgique, il rendait également directement des comptes au niveau européen.

Par conséquent, après avoir rappelé les principes dégagés par l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 16 avril 2013, la Cour du travail a conclu à la régularité de ladite audition, compte tenu de l’illégalité du décret flamand au vu du principe de la libre circulation des travailleurs en cas d’occupation transfrontalière d’un travailleur.

Bien que l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne portait sur la régularité d’un contrat de travail rédigé en anglais, la Cour du Travail de Bruxelles a appliqué les enseignements européens à une audition d’un travailleur, en raison du caractère transfrontalier de l’occupation de celui-ci auprès de son employeur.

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