26/01/18

Aperçu des modifications récentes concernant le bail commercial

Cette newsletter donne un aperçu des modifications les plus importantes des dispositions légales applicables en matière de bail commercial, suite à l’adoption de la loi du 17 janvier 2018 portant sur le bail commercial et modifiant certaines dispositions du Code civil (la « Loi »).

Réforme des dispositions légales applicables au bail commercial

Après plus de deux ans d’examen, le projet de loi n°6864, déposé par le Ministre de l’Economie le 3 septembre 2015, aboutit au vote de la loi du 17 janvier 2018.

Les points les plus saillants de cette réforme renforcent dans une certaine mesure la protection du preneur, quand bien même toutes les modifications envisagées dans le texte d’origine du projet de loi n’ont finalement pas été adoptées.

Définition et durée

La Loi définit désormais le bail commercial, à savoir tout bail d’un immeuble destiné à l’exercice d’une activité commerciale, industrielle ou artisanale. Les dispositions spécifiques au bail commercial introduites par la Loi ne seront cependant pas applicables aux baux d’une durée inférieure ou égale à un an et les baux pourront être conclus à durée déterminée ou indéterminée. L’émergence des magasins éphémères (type pop-up stores), débattue lors des réunions parlementaires, ne devrait donc pas être impactée.

Interdiction du pas de porte

La pratique du paiement de « pas de porte » et des commissions est clairement visée par les nouvelles dispositions légales et sera interdite, la nouvelle Loi déclarant nul de plein droit tout supplément de loyer payé au bailleur ou à un intermédiaire en raison de la conclusion du bail, de même que tout engagement du preneur envers le bailleur de recourir à un intermédiaire déterminé pour la cession du bail ou la sous-location. Les dispositions du projet de loi initial qui prévoyaient la possibilité pour le preneur de demander le remboursement des sommes payées en violation de cet article, sans limitation de durée, ont toutefois été abandonnées. Ceci ne vise bien-sûr pas les commissions aux agents immobiliers.

Garantie locative

La durée des garanties locatives sera limitée à six mois de loyer maximum. Le bailleur pourra par ailleurs être contraint d’accepter une garantie sous forme d’assurance ou toute autre garantie (telle par exemple qu’une garantie de la maison mère), pour autant que celle-ci couvre six mois de loyer. La Loi prévoit toutefois que le preneur devra la renouveler et en adapter son montant en cas de renouvellement tacite du bail, de façon à ce que le bailleur en bénéficie jusqu’au terme de la location.

Cession – sous location : éviter la spéculation

Les nouvelles dispositions légales visent spécifiquement à éviter la spéculation sur les sous-locations. En effet, en cas de sous-location, le contrat de sous-location devra être notifié au bailleur et la nouvelle Loi indique que les loyers payés par le sous-locataire au locataire ne peuvent être supérieurs à ceux payés par le locataire au bailleur, sauf pour ce dernier à justifier avoir effectué des investissements spécifiques à l’activité du sous-locataire.

Résiliation et sursis à déguerpissement

La Loi prévoit désormais un délai de préavis qui ne peut être inférieur à six mois en cas de résiliation du bail, ainsi qu’un renouvellement tacite pour une durée indéterminée (quelle que soit la cause de cessation). Le bail est toutefois maintenu en cas de décès du preneur commerçant, industriel ou fermier si un repreneur maintient l’exploitation commerciale, industrielle, artisanale ou agricole, à la condition qu’il y ait un lien de parenté.

Le régime de sursis commercial est en revanche largement modifié. La possibilité d’obtenir deux sursis de six mois maximum est en effet remplacée par un sursis à déguerpissement unique qui ne peut dépasser neuf mois, sans possibilité de prorogation, et sous conditions cumulatives (paiement de tous les loyers et avances sur charges échus au jour de l’introduction de la demande et le sursis n’est accordé que dans le but de permettre au requérant de trouver un autre immeuble en vue de poursuivre son activité et de répondre à ses obligations découlant des contrats de travail avec les salariés). La décision judiciaire ne sera en outre pas susceptible d’opposition ou d’appel.

Renouvellement du contrat et indemnité d’éviction

Le droit au renouvellement est renforcé dans la mesure où le contrat de bail ne pourra pas interdire au preneur (voire au sous-locataire si la sous-location n’est pas interdite par le contrat de bail) de demander le renouvellement de son contrat. Ce droit au renouvellement se trouve également renforcé par le fait que le bailleur ne pourra pas le refuser pendant une période de neuf années d’occupation des lieux loués, sauf à verser une indemnité d’éviction, qui pourra le cas échéant être versée par un tiers. Bien que la durée de la période de protection ait été réduite et son point de départ modifié, l’obligation de verser une indemnité d’éviction vient protéger la situation du preneur.

Les contrats pourront comporter une clause permettant de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction mais à défaut d’une telle clause, les parties pourront saisir le juge de paix qui fixera le montant de l’indemnité sur base de la valeur marchande du fonds de commerce pour l’activité concernée.

Droit de préemption en faveur du preneur

La Loi innove dans la suite logique du modèle français (loi Pinel de 2014) en introduisant un droit de préemption en faveur du preneur de longue date, dont le bail court depuis dix-huit ans au moins, sauf si  les locaux loués font l’objet d’une vente par adjudication ou sont cédés à un membre de la famille du bailleur (parent ou allié jusqu’au troisième degré inclusivement) ou encore font l’objet d’une cession gratuite. L’impact de ce droit de préemption sera toutefois limité en pratique dans la mesure où il ne pourra être exercé que si le preneur a loué tout l’immeuble ou si les locaux loués sont placés sous le régime de la copropriété. Par ailleurs, si les locaux loués ont été cédés à un tiers acheteur en dépit du droit de préemption, le preneur lésé pourra uniquement réclamer des dommages-intérêts au vendeur, dont le montant ne pourra pas dépasser un an de loyer.

Applicabilité de la Loi dans le temps

Les dispositions de la Loi seront applicables aux contrats en cours à partir de son entrée en vigueur, à l’exception toutefois de l’interdiction du pas de porte (si l’entrée en jouissance pour le preneur est fixée avant l’entrée en vigueur de la Loi) et de l’obligation du loyer de sous-location de ne pas être supérieur au loyer payé par le preneur (cette disposition n’entrant en vigueur que douze mois après l’entrée en vigueur de la Loi). Des dispositions transitoires sont également prévues pour les sursis.

Conclusion

La loi entérine l’idée de protection non pas absolue mais forte du locataire exploitant d’un fonds de commerce tout en ayant quelques visées moralisatrices. Le locataire doit donc payer un loyer du marché, mais plus de droit d’entrée au bailleur ou « pas de porte », donner une garantie locative de 6 mois maximum sans que le bailleur puisse demander une garantie bancaire à première demande. En revanche, il est interdit au locataire-commerçant de s’enrichir sur le dos d’un sous-locataire (le commerce n’est pas la spéculation). Quant au bailleur, si les prescriptions du sursis sont plus restreintes et claires, il devra aussi payer une indemnité d’éviction s’il veut voir son locataire partir rapidement, somme toute raisonnable dans une optique à long terme puisqu’il s’agit d’un an de loyer maximum.

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