19/03/20

Contrats de garantie financière

Cour d’Appel de Luxembourg Arrêt n° 6/20 IV-COM du 22 janvier 2020, rôle n° CAL-2017-00004

Quant à la recevabilité de la demande en annulation de la réalisation des gages

En l’espèce, les intimées ont réitéré le moyen d’irrecevabilité de la demande tendant à l’annulation de l’appropriation du gage en soutenant qu’en conformité avec l’intention des rédacteurs de la loi modifiée du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière (ci-après la « Loi de 2005 »), les contrats de garantie financière seraient inattaquables et ne pourraient être annulés.

La Cour se rallie aux motifs du tribunal de première instance pour rappeler que « l'annulation d'un contrat de garantie financière pour fraude manifeste ou abus constitue une brèche exceptionnelle au principe selon lequel les contrats de garantie financière ne peuvent être remis en cause quant à leur validité ou celle de leur évaluation ou exécution convenues ».

Un arrêt de la Cour de cassation a confirmé ce principe en précisant que « le droit conféré par l’article 11, alinéa 1, de la Loi de 2005 au créancier gagiste de s'approprier, en vertu de la convention entre parties, les avoirs gagés en cas de survenance d'un fait entraînant l’exécution de la garantie ne s'oppose pas à ce que le juge, au cas où ce fait procède, comme en l'espèce, d'un abus de droit ou d'une fraude, mette fin à l’appropriation en ordonnant la restitution des avoirs appropriés » (Cour de cassation, 14 février 2019, n°27/2019, n° 4022 du registre).

Par conséquent, « dans des cas de fraude ou d’abus manifestes, l’appropriation des avoirs gagés par le créancier gagiste peut être remise en cause » et le moyen d’irrecevabilité est à rejeter.


Quant au caractère accessoire du gage

En l’espèce, une appropriation des gages avait été effectuée à la suite du bris d’un ratio financier par la société débitrice, conformément aux dispositions de deux contrats de nantissement soumis au droit luxembourgeois et selon lesquels le bris de ce ratio financier constituait un cas de réalisation du gage.

La Cour relève que les cas de réalisation des gages sont soumis à la libre volonté des parties, qui les déterminent contractuellement, et pourront faire l’objet d’un contrôle a posteriori par les juridictions. En l’espèce, le bris du ratio financier contractuellement défini comme un cas de réalisation peut donc entraîner l’exécution de la garantie au sens de la Loi de 2005 qui prévoit qu’ « une défaillance ou tout autre événement convenu entre les parties, dont la survenance, en vertu du contrat de garantie financière ou du contrat contenant l’obligation financière couverte ou en application de la loi, habilite le preneur de la garantie à réaliser ou à s’approprier la garantie financière ou déclenche une compensation avec déchéance du terme ».

La Cour précise que contrairement au raisonnement de l’appelante, le droit luxembourgeois ainsi que la directive 2002/47/CE concernant les contrats de garantie financière admettent la réalisation d’un gage en l’absence de la défaillance du débiteur ou de l’exigibilité de la dette garantie. Cette conclusion est confirmée par la doctrine, qui admet que les parties puissent se départir de l’exigence traditionnelle de l’exigibilité de la créance principale, ainsi que par le raisonnement de la Cour de Justice de l’Union européenne qui met l’accent sur la liberté contractuelle des parties.

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