13/01/23

Loi concernant le budget de l'Etat pour l'exercice 2023 : de modifications fiscales finalement non substantielles..

Le 12 octobre 2022, le projet de loi n° 8080 concernant le budget des recettes et des dépenses de l’Etat pour l’exercice 2023 a été déposé par le Ministre des Finances luxembourgeois à la Chambre des Députés et a été voté le 23 décembre 2022 (la Loi).

Alors qu’une réforme fiscale d’envergure était attendue, notamment sur la fiscalité des ménages et la réorganisation complète des barèmes fiscaux des personnes physiques, celle-ci n’aura pas lieu, « l’Etat luxembourgeois ne disposant actuellement pas d’une prévisibilité et d’une marge de manœuvre budgétaire suffisante pour implémenter une réforme fiscale substantielle ».

Néanmoins, certains allègements et des adaptations ponctuelles, dont certains constituent une réponse directe à la motion adoptée dans le cadre du débat d'orientation sur la modernisation et les défis du système fiscal luxembourgeois le 14 juillet 2022 à la Chambre des Députés.

1. Retenue à la source liberatoire (relibi)

La loi du 23 décembre 2005 portant introduction d’une retenue à la source libératoire sur certains intérêts produits par l’épargne mobilière est modifiée sur certains points.

Tout d’abord la définition de l’agent payeur est modifiée. Pour qu’un agent payeur puisse être considéré comme tel, il faut que le paiement d’intérêts s’effectue dans le cadre de son activité normale. Cette modification ne fait qu’entériner la pratique actuelle qui est de considérer comme agent payeur uniquement les professionnels du secteur financier qui paient des intérêts dans le cadre de leur activité normale et d’exclure les paiements d’intérêts qui s’effectuent en dehors du marché règlementé.

Par les modifications opérées par la Loi, le champ d’application de la RELIBI est limité à l’épargne publique puisque les paiements d’intérêts entre personnes privées en tant qu’opérations isolées ne rentrent pas dans le champ d’application de loi sur la RELIBI. En effet, les paiements d’intérêts payés sur un compte qui n’est pas détenu par un établissement de crédit, d’autres professionnels du secteur financier, des sociétés de participations financières au sens de la loi du 31 juillet 1929 telle que modifiée, aux organismes de placement collectif au sens de la loi du 30 mars 1988 et aux sociétés de gestion de patrimoine familial (SPF) sont hors champ d’application de la loi RELIBI.

Enfin, le délai d’exercice de l’option pour le prélèvement libératoire par le bénéficiaire effectif en matière d’imposition de certains paiements d’intérêts attribués par un agent payeur établi hors du Luxembourg est aligné sur le nouveau délai de dépôt de la déclaration pour l’impôt sur le revenu des personnes physiques relative à l’année d’imposition concernée (i.e. 31 décembre).

2. Organismes hybrides inverses

Au niveau de l’article 168quater al. 1 LIR, la condition d'hybridité au niveau du traitement fiscal des organismes hybrides inversés est précisée.

En effet, l’article 168quater al. 1 LIR, qui définit les conditions dans lesquelles un organisme ou un dispositif fiscalement transparent, constitué ou établi au Luxembourg, est considéré comme un contribuable résident et imposé du chef des revenus nets devant être attribués sous le concept de transparence fiscale à certains ou à tous ses détenteurs de parts établis dans une autre juridiction, est clarifié dans la mesure où la juridiction du (des) détenteur(s) de parts de l’organisme ou du dispositif fiscalement transparent doit traiter cet organisme ou ce dispositif comme fiscalement opaque.

Cette modification vise à clarifier qu’il faut que la non-imposition des revenus nets que le (les) détenteurs de parts réalise(nt) par l’intermédiaire de l’organisme ou du dispositif fiscalement transparent résulte de cette différence de qualification pour que l’article 168quater al. 1 LIR trouve à s’appliquer et pour autant que toutes les autres conditions du même article se trouvent remplies.

3. Extensions declaratives et autres simplifications

    a. Extension du délai pour le dépôt des déclarations d’impôt (§ 167 al. 3 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931)

Le délai pour le dépôt des déclarations d’impôt passe du 31 mars au 31 décembre. Cette extension s’appliquera pour la première fois aux déclarations pour l’impôt sur le revenu des personnes physiques, pour l’impôt sur le revenu des collectivités et pour l’impôt commercial communal relatives à l’année d’imposition 2022.

En ce qui concerne les déclarations pour l’impôt sur la fortune, cette extension s’appliquera pour la première fois à la déclaration relative à l’année d’imposition 2023.

    b. Extension du délai de soumission de la demande conjointe non révocable en matière d’imposition individuelle des partenaires (article 3bis al. 5 LIR)

Le délai de soumission de la demande conjointe non révocable en matière d’imposition individuelle des partenaires est aligné sur celui du dépôt de la déclaration pour l’impôt sur le revenu des personnes physiques (i.e. 31 décembre).

L’extension du délai de soumission de la demande conjointe non révocable s’appliquera pour la première fois à la demande conjointe non révocable concernant l’année d’imposition 2022 pour laquelle le délai est fixé au 31 décembre 2023.

    c. Extension du délai de soumission de la demande conjointe non révocable en matière d’imposition individuelle des conjoints (article 3ter al. 1 LIR)

Le délai de soumission de la demande conjointe non révocable en matière d’imposition individuelle des conjoints, contribuables résidents, et le délai de révocation ou de modification en la même matière sont alignés sur celui du dépôt de la déclaration pour l’impôt sur le revenu des personnes physiques relative à l’année d’imposition concernée (i.e. 31 décembre).

L’extension du délai de soumission de la demande conjointe non révocable s’appliquera pour la première fois à la demande conjointe non révocable concernant l’année d’imposition 2022 pour laquelle le délai est fixé au 31 décembre 2023.

4. Renforcement du pouvoir d’achat

   a. Crédit d’impôt sur le salaire social minimum (CISSM)

En vue de l’augmentation du salaire social minimum qualifié et non-qualifié début 2023, les fourchettes de revenu actuelles pour bénéficier du crédit d’impôt sont augmentées.

    b. Crédit d’impôt monoparental (CIM)

Dans le cadre du soutien aux familles monoparentales, le montant maximal du CIM passe de 1.500 euros à 2.505 euros.

En outre, le revenu imposable ajusté jusqu’auquel un contribuable peut bénéficier du montant maximal du CIM passe de 35.000 euros à 60.000 euros.

A partir d’un revenu imposable ajusté de 60.000 euros, le CIM diminue linéairement de 2.505 euros pour atteindre son montant minimum actuel de 750 euros à partir d’un niveau d’un niveau de revenu imposable ajusté de 105.000 euros.

5. Immobilier et logement

    a. Amortissement accéléré (article 129e al. 1 LIR)

Le dispositif fiscal de l’amortissement accéléré de 4% est limité :

- lorsque le contribuable réalise un revenu net de location de biens, à un immeuble ou partie d’immeuble bâti acquis ou constitué après le 31 décembre 2020 et affectés au logement locatif dont l’achèvement remonte au 1er janvier de l’année d’imposition à moins de 5 ans ;

- lorsque le contribuable réalise un bénéfice commercial, un bénéfice agricole et forestier, ou un bénéfice provenant de l’exercice d’une profession libérale, à un immeuble ou partie d’immeuble bâti acquis ou constitué avant le 1er janvier 2023 et affectés au logement locatif dont l’achèvement remonte au 1er janvier de l’année d’imposition à moins de 5 ans.

    b. Valeur locative d’une habitation (article 96 al. 1 et article 98 al.1, al. 2 et al. 4 LIR)

Le propriétaire d’une habitation est imposable au titre de la valeur locative, qui reste néanmoins à zéro euro, lorsqu’il l’occupe personnellement, lorsqu’il ne l’occupe pas parce qu’il la met bénévolement à disposition de quelqu’un d’autre et lorsqu’il ne l’occupe pas parce qu’elle est en cours de rénovation, de transformation, fait l’objet de travaux quelconques ou reste inoccupée pour toute autre raison.

6. Competitivité et attractivité

    a. Adaptation du seuil de revenus du travailleur impatrié (article 115 – 13b LIR)

Dans le but de maintenir l’attractivité du pays à l’international dans un contexte difficile de recrutement de main d’œuvre qualifiée dans certains secteurs économiques, le seuil de rémunération annuelle de 100.000 euros du régime d’impatriés sera abaissé à 75.000 euros à partir de janvier 2023.

    b. Prime participative – extension du périmètre de calcul du résultat positif (article 95 al. 5 et article 115 – 13a LIR)

Afin de donner plus de flexibilité aux groupes de sociétés résidents au Luxembourg qui emploient leurs salariés au niveau de différentes entités du groupe, mais dont la consolidation des résultats se fait au niveau de la société-mère luxembourgeoise, la Loi accorde la possibilité , sur option annuelle de calculer le seuil de 5%, par rapport à la somme algébrique positive des résultats des membres d’un groupe fiscalement intégré au sens de l’article 164bis LIR, pour autant qu’une intégration fiscale ait existé au cours de l’année d’octroi de la prime participative ainsi que de l’année précédant immédiatement celle de l’octroi de ladite prime.

7. TVA et transition énergétique

    a. Promotion de l’économie circulaire et de la mobilité douce

Le taux de TVA réduit de 8% s’applique désormais aux réparations d’appareils ménagers.

Le taux de TVA réduit de 8% s’appliquera également à la vente, la location et la réparation de bicyclettes, y compris les cycles à pédalage assisté dits « vélos électriques ».

    b. Promotion de la transition énergétique

Le taux de TVA super-réduit de 3% s’appliquera à l’avenir à la livraison de panneaux solaires avec installation sur certains immeubles.

Les biocarburants et bioliquides au sens de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, qui respectent les critères de durabilité et les réductions des émissions de gaz à effet de serre, seront exonérés de la Taxe CO2.

 Jean-Luc Dascotte

 Stanislas Bunetel

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